samedi 18 juin 2011

Alain Finkielkraut : le politiquement correct

La philosophie qui ne nous laisse pas libre de voir ce que nous voyons


Dans l'émission Semaine critique de Franz Olivier Giesbert du 04 mars 2011, définition par Alain Finkielkraut du "Politiquement correct" (transcription) :
Il y a quelques jours, nous avons assisté, ou nous avons pu assister à la cérémonie des Césars. Et vous vous souvenez, Xavier Beauvois a reçu le César du meilleur film pour Des Hommes et des Dieux. Il est venu sur scène, il a fait une allocution.
A la fin de son allocution il a voulu tirer la leçon, donner la leçon de son film, en quelques mots il a dit : "C'est un film qui dit qu'il ne faut pas avoir peur des autres, qu'il faut se parler; c'est un message de tolérance, de liberté, d'égalité et de fraternité".
Xavier Beauvois est à ce point imprégné du pathos ambiant qu'il ne voit pas ce qu'il montre. Parce que, ce qu'il montre c'est quoi ? C'est l'échec du dialogue face à un fanatisme implacable.

Une fin de non percevoir


Et c'est le politiquement correct : La philosophie qui ne nous laisse pas libre de voir ce que nous voyons. Ce n'est pas simplement une opinion dominante, c'est beaucoup plus gravement une perception obligatoire, une fin de non percevoir adressée à toutes les réalités, tous les événements qui pourraient si vous voulez "attiser les craintes", "faire le jeu du front national", "désespérer les banlieues", "stigmatiser encore plus ceux qui sont déjà victimes de stigmatisation".
Ce sont les meilleurs intensions au service du mensonge.

Si vous me permettez, je voudrais essayer d'aller à travers cela à la racine du politiquement correct, précisément en vous relatant une anecdote intellectuelle : c'est la soutenance de thèse de Julien Freund dans les années 60.
Julien Freund c'est un résistant, philosophe, disciple de Carl Schmitt. Carl Schmitt pense que la relation ami-ennemi définit le politique et qu'elle est indépassable.
Il a face à lui au jury de thèse, Jean Hyppolite, un hegelien pour qui cette idée est insupportable, parce que justement toutes les oppositions doivent pouvoir être dépassées, il dit : "si vous avez raison il ne me reste plus qu'à cultiver mon jardin".
Réponse de Julien Freund : "Vous croyez que c'est vous qui désignez l'ennemi, comme tous les pacifistes, du moment que nous ne voulons pas d'ennemi nous n'en n'avons pas raisonnez vous. Or c'est l'ennemi qui vous désigne, et s'il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d'amitié, du moment qu'il veut que vous soyez ennemi vous l'êtes et il vous empêchera même de cultiver votre jardin."
Le politiquement correct pense que nous n'avons pas d'ennemi, que l'Europe post hitlérienne, post coloniale est son seul ennemi, qu'elle doit maintenir une vigilance constante contre ses mauvais démons, mais que pour le reste il n'y a pas à se faire de soucis, le mal si le mal existe il vient toujours de nous.

Un des invités de l'émission Fabrice d'Almeida l'interpelle : "Alain Finkielkraut, vous avez justement une grande qualité c'est que vous parlez avec vos adversaires, vos ennemis, justement vous entendant faire cette tirade, quel est l'enemi d'Alain Finkielkraut aujourd'hui ? Quel est l'adversaire avec qui vous voulez discuter ?"
A. Finkielkraut : "Tous...tous..."


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